La Brunette hivernale, ou Leste brun
Brunette hivernale, Leste brindille, Leste brun… il reste encore à choisir son nom français et d’ailleurs peu importe. C’est de Sympecma fusca qu’il s’agit, et si cette demoiselle est à l’honneur ce mois-ci, c’est parce que vous aurez peut-être la chance de la voir voleter en février, pour peu que le soleil réchauffe un peu la journée et vous pousse à sortir le nez ! Non que cette nymphette quitte en ce moment sa retraite aquatique pour s’élancer vers les airs comme les libellules le font à partir d’avril sous nos latitudes, mais parce que, à l’instar de quelques papillons elle passe l’hiver à l’état imaginal… Cette année, la première mention de l’espèce remonte au 16 janvier 2011, à la limite de l’Aube et de la Marne. Le record de précocité pour l’activité reproductrice de Sympecma fusca est au 4 mars dans la Drôme, alors, ouvrez l’œil ! |
© Régis Krieg-Jacquier
|
Répartition en Rhône-Alpes
Morphologie et anatomie
Ce sont des demoiselles (sous-ordre des Zygoptera ; famille des Lestidae). De taille moyenne avec une envergure d’environ 5 cm et d'un peu moins de 4 cm de longueur totale, le Leste brun se différencie aisément des autres membres de sa famille en ce qu’il présente toujours une coloration brune (tout juste d’un vert foncé métallique chez les jeunes) et non vert brillant. De plus, les espèces du genre Sympecma maintiennent, au repos, leurs ailes parallèles à l’abdomen et non à demi ouvertes comme les autres Lestidae, d’où le nom du genre, du grec σνμ, ensemble et πικνοσ, proche, compact ; que l'on pourrait traduire par « étroitement réuni ». Toujours au repos, les ptérostigmas (vous savez, ces petites taches sur l’avant des ailes, près de leur extrémité !) des ailes antérieures et postérieures ne se superposent pas. Par rapport aux autres Lestidae, les ailes des Sympecma sont plus étroites et plus pointues.
D’autres différences au niveau du thorax et de l’ovipositeur permettent de bien différencier ce genre. Les marques brunes sur le dessus de l’abdomen sont en forme de torpille tandis que le thorax présente des bandes latérales brunes dont le dessin est un critère de détermination des espèces. Car il y a bien deux espèces de Sympecma en Europe ! En Suisse, il reste quelques rares stations où l’on trouve encore Sympecma paedisca, le Leste enfant (en savoir plus...), comme dans le Valais. Du reste, cette grande vallée alpine autrefois belle, où le Rhône torrentueux a marqué son passage, n’est pas sans rappeler (en moins sauvage) la Combe de Savoie et le Grésivaudan, où c’est l’Isère qui fait son chemin. La ressemblance ne s’arrête pas là ! C’est non loin de Chambéry, mais déjà dans le département voisin de l’Isère, qu’en 1962, Sympecma paedisca (le Leste enfant ou Brunette sibérienne) a été trouvé sur une petite mare aujourd’hui disparue. Depuis, l’espèce n’a jamais été citée de France.
Alors, si en Combe de Savoie ou dans le Grésivaudan ce printemps, vous observez les premières demoiselles, regardez bien le dessin de leur thorax : s’il y a une petite boursouflure, vous aurez retrouvé une espèce perdue depuis près d’un demi-siècle ! Mais, restez calme ! Vous ne serez pas le premier à venir la rechercher, en vain jusqu’à maintenant ! Si vous faites cette découverte, SIGNALEZ-VOUS IMMÉDIATEMENT à president@sympetrum.org.
Comportement
© Régis Krieg-Jacquier
|
Les espèces du genre Sympecma sont les seuls odonates européens qui passent l’hiver au stade imaginal, c’est à dire de libellule volante, quoi qu’ils soient rarement visibles entre la fin de novembre et la mi-février sinon lors de quelque journée ensoleillée. Après l’émergence, en été, et pendant automne, ces insectes fréquentent les habitats ensoleillés semi-ouverts avant d’affronter les rigueurs hivernales plaqués contre une tige ou dissimulés sous des pierres ou des végétaux. Ils sont souvent assez loin de l’eau, sur des coteaux secs, au milieu des friches ou dans les haies. On trouvera dans la littérature et sur les sites internet quelques jolies photographies d’individus givrés au milieu des roseaux (voir...). |
Reproduction et développement
Au tout début du printemps, la ponte se fait en tandem dans des débris végétaux morts de l’année précédente les seuls flottant alors à la surface de l’eau. Les adultes meurent ensuite. Les larves sont petites, et vivent dans les eaux stagnantes (ou faiblement courantes), en particulier là où s’accumulent les débris végétaux (tiges de roseaux, de joncs, feuilles…). Elles émergent habituellement vers la fin du mois de juillet, un cycle larvaire très rapide pour une libellule de chez nous. Dans le sud de l’aire de répartition de Sympecma fusca, ce cycle est modifié avec des pontes entre décembre et mars et des émergences en avril ou mai. |
© Régis Krieg-Jacquier
|
Le temps des libellules ?
Outre Sympecma fusca (et Sympecma paedisca si quelqu’un le retrouve !), vous pourriez croiser quelque migrateur précoce comme Hemianax ephippiger (voir...), un gros Aeschnidé couleur sable qui nous vient d’Afrique du Nord…
Sinon, n’espérez pas voir d’émergences avant le mois d’avril, mais surveillez l’activité des larves quand l’eau est claire…
Où se trouve-cette espèce en Savoie ?